13 février 2014

Activité éruptive au Kelut (ou Kelud): le niveau d'alerte aviation est au rouge (mis à jour)

Une activité explosive violente a débuté aujourd'hui obligeant le VSI a élever, à 21h15 (heure locale) le niveau d'alerte du volcan au maximum (awas).
Cette activité a visiblement fait sauter, au moins partiellement, le dôme qui était en place suite  à l'éruption extrusive de 2007. La webcam a malheureusement cessé de fonctionner un peu avant 18h00 heure locale, empêchant d'avoir le détail de ce qui s'est passé avant que l'activité ne débute. L'activité explosive a en effet débuté ver 22h50 (heure locale), générant un imposant panache de
cendres qui a atteint, d'après le VAAC de Darwin, une altitude de 13 km soit une hauteur approximative de 11 km. Les images prises via les smartphones sur place, et envoyées par les réseaux sociaux, montrent un panache chargé d'éclairs.
Eclairs dans le panache de cendres du volcan Kelut (ou Kelud), 13 février 2014
Eclair  intrapanache cette nuit au Kelut. Image:
Eclairs dans le panache de cendres du volcan Kelut (ou Kelud), 13 février 2014
Le panache du Kelut lardé d'éclairs. Une ambiance impressionnante! Image:

Bien que l'activité éruptive ait débuté  de nuit, le panache se distingue assez facilement sur les images MTSAT.

Le panache de cendres du volcan Kelut (ou Kelud) sur MTSAT, 13 février 2014
Le panache du Kelut cette nuit vu de dessus par le satellite MTSAT. Image: Université de Tokyo
Le panache de cendres du volcan Kelut (ou Kelud) sur MTSAT 2, 13 février 2014
Le panache du Kelut (immense tâche violette) vu par MTSAT-2. Image: NOAA/CIMSS


Suite au passage en alerte 3 les autorités avaient commencé à préparer au moins 78 refuges pour accueillir un éventuel afflux de personnes en cas d'éruption. La décision n'a pas servi à rien car les premières informations disponibles sur les journaux en ligne au matin du 14 février (ne pas oublier le décalage horaire) indiquent qu'il pourrait y avoir d'ores et déjà 60 000 personnes déplacées et réparties dans 118 refuges. Grosso modo, toutes les personnes vivant dans un rayon de 10 km ont du quitter leurs maison. Des chutes de cendres (moins de 2mm) et de lappilis (entre 2 et 64 mm) ont été recensées jusqu'à 15 km au moins à l'ouest, sous le vent. Le passage en alerte rouge s’accompagne de l'interdiction pour toute personne de s'approcher à moins de 10 km du sommet.
Il faut noter que le départ de l'éruption, d'une grande violence, a obligé les volcanologues sur place à évacuer la zone et que, de fait, il n'y a pour le moment plus de données techniques disponibles (sismicité etc).

Mais généralement deux grands cas de figure se dessinent dans ce type de situation, liés d'abords à ce qui se passe en profondeur:
- cas 1- l'activité en cours ne résulte pas d'une réalimentation profonde. L'activité en cours pourrait donc être assez brève car sans magma neuf il ne reste que le magma dégazé qui avait donné l'éruption tranquille de 2007. La violence de l'activité éruptive de cette nuit résulterait alors d'une surpression importante, qu'il reste à expliquer. Par exemple le système hydrothermale, déstabilisé pour une raisons à identifier, tend à monter en pression, mais le dôme de 2007 bouche la seule évacuation possible: la surpression monte "tranquillement" pendant 3 semaines, puis le dôme finit par se rompre cette nuit, libérant toute la pression accumulée. Pour savoir si cette hypothèse est valable un échantillonnage des cendres et leur analyse sera essentielle: soit elles contiennent du magma neuf, soit il s'agit de roches anciennes et altérées. Le problème c'est que ces analyses prennent du temps et coutent chères.

- cas 2- l'activité qui a démarré est la conséquence d'une réalimentation profonde. L'arrivée d'un magma neuf, plus chaud et plus riche en gaz dans la chambre magmatique superficielle peut la  déstabiliser et provoquer son éruption. Le dôme de 2007, en servant de bouchon, accentue la violence de l'activité explosive au départ en créant une surpression supplémentaire. Dans ce cas de figure il est envisageable qu'après cette première phase violente, l’activité éruptive se poursuive peut-être un peut moins violemment. Si le nouveau magma est visqueux (généralement le cas au Kelud), l'activité éruptive restera malgré tout violente le temps que le magma ait perdu assez de gaz. En fin d'éruption, une fois le magma dégazé, un dôme pourrait se former, bien que ça ne soit pas obligatoire.

Rien ne permet de trancher entre ces deux situations pour le moment et il faut suivre le déroulement dans les heures qui suivent pour savoir si l'activité change radicalement de régime et se calme franchement ou si, au contraire, l'activité explosive a tendance à se maintenir.
Avec le Sinabung, le Kelud est actuellement le seul volcan en alerte rouge en Indonésie.

Si vous souhaitez tenter de voir cette activité en direct, Franck Pothé lance un premier spécial éruption. N'hésitez pas à le contacter sur son adresse franck@objectiffrance.com.

Affaire à suivre!

Mise à jour 14 février

L'activité éruptive du Kelut s'est poursuivie au moins jusque dans la matinée. Les journaux Tempco et Jakarta Post rapportent que des chutes de cendres abondantes se sont produites au moins jusqu'à presque 200km de distance à l'ouest de l'édifice. Par ailleurs, il est indiqué que l'activité sismique (ou peut-être une secousse en particulier) qui a précédé le départ de l'éruption aurait été ressentie jusqu'à Solo (Surakarta) 170 km à l'ouest (à vérifier). Par contre le son de l'explosion a bien été entendu jusqu'à Yogjakarta, 200 km à l'ouest, ce qui est tout à fait plausible cette fois.

Le panache de cendres du volcan Kelut (ou Kelud), le 14 février 2014
Le panache de cendres vu ce matin par le MODIS (altitude de croisière estimée par le VAAC de Darwin à 16km). Image: NASA/MODIS

La mise en place de l'immense colonne de cendres, et les chutes de ces dernières, ont obligé 3 aéroport importants à fermer temporairement: celui de Solo (Surakarta), celui de Yogjakarta (Sleman) et celui de Surabaya.

Quelques images de l'événement et de ses conséquences.

Le panache de cendres du volcan Kelut (ou Kelud), le matin du 14 février 2014
Le panache encore bien alimenté du Kelut (Kelud) au matin du 14 février (matin indonésien s'entend). Image: AP/Trisnadi

Chutes des cendres du volcan Kelut (ou Kelud) à Solo, 14 février 2014
Les avions sont recouverts de cendres à l'aérport de Solo/Surakarta. Image: auteur non précisé, via Tempco.Co


La question qui se pose maintenant est la suivante: est-ce que le volcan va faire, comme me l'a rappelé le volcanologue Boris Behncke via twitter, comme en 1919, 1951, 1966 et 1990 (et comme la plupart des éruptions qui ont précédé, au 19ème siècle) et s'arrêter rapidement? Ou au contraire a-t-il démarré une phase éruptive plus longue? Statistiquement, la première solution à le plus de chances de se produire mais, à l'heure actuelle, on ne sait toujours pas concrètement ce qui se passe maintenant dans le cratère et il faudra encore attendre plusieurs heures ou dizaines d'heures pour y voir plus clair.

Mise à jour n°2 (14 février, 10h00)

Le BNPB, organe de gestion de crise, confirme qu'actuellement ce sont environ 100 250 personnes qui ont été évacuées et réparties dans 293 refuges. L’activité a fait au moins deux victimes indirectes dans le village de Pandansari (versant nord de l'édifice), toutes deux décédées ans l'effondrement du bâtiment où ils se trouvaient sous le poids des cendres rapidement accumulées. Le nettoyage des rues et des toits à débuté dans certaines des zones touchées. Le volcan, ce matin, continue d'émettre un panache assez important de gaz, probablement mélangé à une quantité modeste de cendres.

Autre image de l'ambiance spectaculaire de l'activité cette nuit. Notez l'incandescence à la base du panache. Image: @hilmi_dzi

Le panache du Kelut(d) ce matin, plus fin et probablement essentiellement gazeux. Image: Université de Tokyo

Mise à jour n°3 (14 février 2014)

Les informations qui sont tombées tout au long de la journée ont essentiellement consisté en la réévaluation de ce qui s'est passé la nuit dernière. L'activité, en effet, ne semble pas s'être vraiment poursuivie, mise à part l'émission du panache que j'ai déjà rapportée ci-dessus. Le BNPB indiquait par ailleurs ce matin que la sismicité était encore importante et donnait une première estimation du volume émis: 80 millions de m3 (de quoi recouvrir la ville de Paris sous un dépôt de presque 80 cm d'épaisseur).

Le nombre de victimes a été réévalué à 3 (deux écrasées dans l’effondrement de leur maison,1 étouffée par les cendres) toutes dans le même village de Pandansari et il n'est pas impossible que le bilan s'alourdisse. Une partie des personnes évacuées est rentrée chez elle notamment les personnes de la ville de Blitar (au pieds du versant sud-ouest) ce qui a réduit le nombre de réfugiés à un peu plus de 76 000 personnes (tout de même). Le gouverneur de Java Est a déclaré qu'il y aurait des mesures d'intervention d'urgence au moins jusqu'au 12 mars.

La hauteur du panache ensuite est été largement augmentée puisque les données de différents satellites convergent vers un panache qui aurait atteint une altitude de 20 km! Pour les quelques volcanologues avec qui j'ai pu échanger sur l'événement, aucun ne s'oriente vers une activité purement phréatique (cas 1 que j'ai décrit plus haut), mais bien vers une éruption magmatique (plutôt le cas 2) qui conduirait vers la définition d'un style éruptif sub-plinien à plinien. Reste à savoir quelle est la composition du magma responsable de cette activité. Plus interessant: il serait passionnant de tenter de retracer son parcours depuis sa source, certains outils géochimiques (étude de la composition de certaines éléments chimiques) permettent en effet d'en avoir une idée.

Une première estimation de l'IEV* de l'éruption basée sur la définition qu'en ont donné Newhall et Self en 1982 (après une compilation de 8000 éruptions au moins) serait de 4, peut-être un gros 3. Cela reste une estimation car déterminer l'IEV peu prendre un peu de temps.

Après compilation de toutes ces informations, Franck Pothé a décidé d’annuler pour l’instant le départ Spécial Eruption qui était prévu ce week-end. Cela ne remet pas en question ce type de voyage, seul moyen pour optimiser les chances de voir des belles éruptions. L’important est d’être réactif pour déclencher ces départs et ensuite d’être pertinent pour confirmer ou non ces voyages. Si vous voulez vous aussi participer à ces départs impromptus, n’hésitez pas à consulter la fiche technique que Franck à rédigée.


Mise à jour 15 février (10h30)

Quelques petites informations supplémentaires. Le volume estimé de cendres émises par le paroxysme du 13-14 février pourrait être revu à la hausse: le volume totale indiqué par un article du Jakarta Post publié en ligne ce matin évoque un volume compris entre 120 et 160 millions de m3 (la ville de Paris sous 1.2 à 1.6 m d'épaisseur de cendres) ce qui ferait passer l'activité dans la case "éruption plinienne". Il faut toutefois attendre d'avoir une confirmation par une source plus officielle de ces valeurs qui sont tout de même le double de celles annoncées hier, je vous tiendrai au courant. Or pour le moment je n'ai vu ce chiffre ni au BNPB, ni au VSI. On voit comment, en période d'activité intense, il peut être complexe d'avoir des données fiables.

Ce qui est sûr c'est que le BNPB indiquait hier soir que l'activité volcanique avait diminué, bien que la sismicité reste intense sur l'édifice. L'onde de choc de l'explosion a en tout cas été captée par un réseau de récepteurs d'ondes acoustiques répartis un peu partout dans le monde, jusqu'en Alaska, à plus de 11 000 km de là! Pour les responsable du réseau en question c'est le plus fort signal d'origine volcanique jamais enregistré depuis que sa mise en place, plus forte que le signal du Manam en 2005.

Trajectoir des infrasons produits par l'explosion du volcan Kelut (Kelud), 13 février 2014
La trajectoire des infrasons produits par l'explosion du 13 février au soir calculées à partir de chaque récepteur. La triangulation tombe dans la zone du Kelut. Image: CTBTO

Mise à jour 15 février (13h35)

Le nombre de victimes a malheureusement été réévalué à la hausse, avec une quatrième recensée par le BNPB (organisme en charge de la gestion de crise). Les médias ont relayé jusqu'à 7 décès mais le BNPB précise qu'il s'agit d'un problème de comptage, certaines personnes retrouvées ayant été identifiées par leurs voisin sous des noms différents. Ce même organisme confirme que pour le moment l'édifice reste le siège d'une sismicité bien au-dessus de la normale, décrite toutefois comme modérée.
De nouvelles photos prise hier au cours de l'après-midi indonésien (début de matinée chez nous) montre que l'édifice restait alors le siège d'abondantes émissions de cendres, responsables du panache visible sur les images satellites que je vous ais transmises.


activité explosive du volcan Kelut (Kelud), 14 février 2014
Activité éruptive du volcan Kelut(d) hier après-midi. Image: @hilmi_dzi via twitter

* l'IEV d'une éruption est un indice qui permet de comparer les éruptions entre elles. Il est calculé en fonction du volume émis, de la haute maximale du panache, la durée de l'éruption etc.

Sources: VSI; twitter; VAAC de Darwin; NOAA; tempo.co; merci à @kaptain_kroket; merci à @etnaboris; BNPB; Université de Tokyo; CTBTO; Jakarta Post

5 commentaires:

  1. Et ben sacré éruption, les photos sont magnifiques.

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  2. C'est clair que c'est une grosse éruption. Et ce qui est le plus étonnant (donc le plus interessant) c'est que, dans son histoire récente (19,20 et maintenant 21ème siècles) il est coutumier de ce type d'éruption, brutale et courte.

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  3. Elle ne durent que quelques jours, souvent entre 2 et 4 rarement plus.

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